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Négocier votre budget : comment parler le DAF

Budget informatique : défendez votre vision en 5 étapes

Chaque année, on y revient : il faut défendre son budget informatique, et prouver qu’il est tout aussi légitime que les investissements négociés par les autres services. Car le service informatique est encore largement considéré comme un service support, plutôt que comme un apporteur de valeur. Conséquences ? Exclue des processus de décision, ses budgets sont les premiers à pâtir des changements de priorités et des périodes de changement. Alors, comment convaincre la direction que les projets IT ne sont pas seulement des centres de coûts, mais bien des leviers de performance, d’innovation — et parfois même de survie pour l’entreprise ?

Avec cet article, je vous propose une méthode en 5 étapes pour préparer, structurer et défendre efficacement votre budget IT.

 

Budget informatique : un enjeu stratégique pour l’entreprise

L’IT comme levier de performance et de résilience

Le fossé entre DSI et DAF n’est pas une fatalité. Il repose souvent sur un malentendu : le langage financier et les problématiques budgétaires ne sont pas naturellement alignés avec les priorités technologiques. Longtemps perçu comme un poste de dépenses nécessaires mais non stratégiques, l’informatique s’impose de plus en plus comme un levier pour la compétitivité et la résilience des entreprises. Dans un contexte où la transformation numérique est toujours plus rapide, il ne s’agit plus seulement de “tenir les systèmes en marche”, mais bien de soutenir l’innovation, la sécurité, la performance et l’agilité des métiers.

Un budget informatique n’est pas seulement un “coût à encadrer”, c’est un catalyseur de transformation. Il permet à l’entreprise de s’adapter plus vite, de proposer de nouveaux services, de sécuriser ses données, ou encore d’optimiser ses processus. C’est cette vision que vous devez porter face à la direction : non pas une dépense, mais un investissement stratégique.

 

Comment faire comprendre à la DAF la valeur du numérique

Chaque ligne du budget informatique cache un problématique métier : fiabilité des outils, qualité de service client, cybersécurité, automatisation, etc. Traduire ces impacts en valeur mesurable (gains de productivité, réduction des risques, économies à moyen terme) est essentiel pour obtenir l’adhésion de la DAF.

Pour éviter les incompréhensions, il doit être formulé dans un langage partagé : retour sur investissement (ROI), coût total de possession (TCO), pilotage par la valeur… Plus votre discours IT s’alignera sur les logiques économiques, plus il gagnera en légitimité.

 

Les étapes pour construire un budget informatique convaincant

Un bon budget, ce n’est pas juste une liste de dépenses avec des montants. C’est un document stratégique qui raconte une histoire : celle de la valeur que la DSI apporte à l’entreprise. Pour cela, le budget informatique doit être structuré de façon claire, argumentée et orientée résultats.

Identifier les priorités métier

Avant même de parler outils, licences, matériel, infrastructure, un budget solide part des enjeux business de l’entreprise. Cette étape, souvent négligée, est pourtant essentielle pour ancrer les projets IT dans une réalité mesurable.

💡 Avant d’attaquer, posez la question à votre direction : « Quelle sont les objectifs stratégiques de l’entreprise cette année ? »

Prenons quelques exemples :

  • Une entreprise dans le secteur des logiciels B2B cherche à gagner en compétitivité. De nouveaux équipements et politiques de cybersécurité pourraient soutenir une démarche de certification ISO, vrai argument commercial et avantage concurrentiel.
  • Une entreprise de production veut optimiser ses processus et réduire les coûts de production. La traduction IT de ce besoin peut être une proposition de maintenance prédictive via capteurs IoT accompagné d’une modernisation du réseau.
  • Une organisation multisites, en forte croissance, souhaite améliorer l’intégration des nouveaux arrivants et la collaboration des équipes. Cela peut se traduire par le déploiement d’outils collaboratifs, une migration vers le Cloud ou encore une harmonisation des postes de travail.

 

Évaluer précisément les besoins et ressources

Maintenant que vous avez un plan d’actions, il faut montrer que votre budget repose sur une évaluation réaliste et maîtrisée des besoins. Il faut donc dresser un inventaire de l’existant, et des besoins d’évolution, puis mettre des chiffres sur chaque ligne :

  • Les dépenses récurrentes (licences, contrats de maintenance, infogérance, hébergement Cloud, etc.)
  • Les besoins en renouvellement (matériels obsolètes, mises à jour critiques)
  • Les projets à venir (nouvelles implémentations, développement applicatif, cybersécurité)
  • Les ressources internes disponibles (compétences, charge de travail, capacité à délivrer)

 

Arbitrer entre maintenance, innovation et transformation

Une des clés pour bien défendre son budget est de montrer que vous savez faire des choix. Aucun budget n’étant illimité, vous allez devoir équilibrer entre ce qui est nécessaire à l’activité de l’organisation, ce qui permet d’améliorer l’existant, et ce qui prépare l’avenir. Se distinguent ainsi 3 types de dépenses informatiques qui participent chacun à des objectifs différents :

    • Maintenance et continuité : support, correctifs, remplacement matériel, etc. Soit, tout ce qui vise à assurer la continuité opérationnelle.
    • Optimisation et amélioration : outils collaboratifs, montée en version, automatisations, et toute autre technologie permettant d’améliorer la productivité et l’efficacité.
    • Transformation et stratégie : les projets structurants (cybersécurité, IA, cloud, etc.) ayant pour objectif de donner un avantage concurrentiel, de sécurité ou de conformité.

Classer chacune de vos demandes dans l’une de ces 3 catégories vous permettra de les prioriser dans le cas probable où votre budget sera jugé trop élevé par la direction. Mais cela soulignera également les objectifs que l’entreprise négligera en cas d’arbitrage.

 

Comment traduire ses besoins IT en langage financier

« Si vous parlez à un homme dans une langue qu’il comprend, vous parlez à sa tête. Si vous lui parlez dans sa langue, vous parlez à son cœur » Nelson Mandela

Votre budget est maintenant structuré et réaliste. Mais pour convaincre, il ne suffit pas d’expliquer pourquoi une proposition est utile techniquement : il faut montrer combien elle rapporte, ce qu’elle coûte réellement, et comment elle réduit les risques. Et pour cela, il va falloir parler la langue de vos interlocuteurs principaux.

 

Valoriser le ROI, le TCO et les gains opérationnels

Pour cela, l’idéal est de rattacher chaque demande à un indicateur chiffré. Même si vous ne pouvez pas tout chiffrer précisément, il est essentiel de proposer des ordres de grandeurs, des rations ou des gains mesurables. L’exercice est parfois compliqué, notamment sur des sujets tels que la cybersécurité. Car tout comme la vente d’assurances, démontrer l’apport des investissements en cybersécurité, c’est mettre en valeur quelque chose qui ne s’est pas passé. Mais si les gens perçoivent bien les risques d’un incendie ou d’un cambriolage, les risques cyber s’avèrent encore souvent abstraits pour les comités de direction.

Vous allez donc devoir travailler vos KPI ! Voici quelques exemples :

  • Cet outil de dématérialisation des factures permet d’économiser en moyenne 200 heures/an.
  • Cette migration vers le Cloud réduit les coûts d’infrastructure de 30% sur 3 ans et allège la maintenance.
  • L’adoption de ce dispositif permettra de réduire de 20% le nombre de ticket, l’équipe pourra donc se concentrer sur l’implémentation des projets à valeur ajoutée.

 

Utiliser les bons indicateurs

La direction ne s’intéresse pas (seulement) au projet… mais à son impact sur les lignes comptables. À vous d’adopter les codes pour traduire vos propositions en termes exploitables financièrement.

Quelques notions incontournables : ROI, CAPEX, OPEX, immobilisations, dépréciation, amortissement, solutions de paiements…

💡 Un doute sur ces intitulés ? Découvrez notre livre blanc « Négocier un projet IT avec sa direction » dont un chapitre est dédié à leur explication, avec allégories et exemples applicables au service IT.

 

Penser en CAPEX et OPEX

Lorsque la DAF récupère un budget, elle le « reformate » pour y inclure le traitement comptable. Intégrer dès le départ une lecture CAPEX/OPEX aidera votre direction à projeter vos demandes dans son budget global. Mais cela peut également vous permettre de réaliser des arbitrages selon la situation de l’entreprise. Car les CAPEX et les OPEX ont des implications fiscales différentes :

  • Les CAPEX sont des dépenses opérationnelles à visée de rentabilité directe, inscrites à l’actif du bilan et amorties sur plusieurs années, généralement privilégiées en période de croissance pour augmenter la valeur de l’entreprise.
  • Les OPEX sont des dépenses d’exploitation, généralement imputées directement sur l’exercice en cours. Toutefois, certaines peuvent être réparties dans le temps (sous forme de charges constatées d’avance) lorsqu’elles couvrent plusieurs périodes. Elles sont privilégiées pour leur souplesse comptable et leur impact immédiat sur le résultat ; et souvent préférées en période d’instabilité car plus prévisibles

Voici un exemple de présentation intégrant la gestion de CAPEX et OPEX :

Poste budgétaire Montant total Nature CAPEX OPEX
Solution email anti-phishing (solution SaaS) 24 K€/an Optimisation et amélioration 24k€
Achat 30 laptops (renouvellement partiel) 40 K€ Maintenance et continuité 40k€
Abonnement Microsoft 365 32 K€/an Maintenance et continuité 32k€
Migration des serveurs interne vers Cloud Privé 90k€ sur 3 ans Transformation et stratégie 20k€ (setup) 70k€ (abonnement)

💡 Découvrez notre modèle de budget DSI, mis à jour en 2025, qui intègre les notions de CAPEX, OPEXet nature de dépenses.

 

Savoir défendre son budget face à la DAF

Avec un budget complet, structuré, chiffré et qui intègre des KPI réalistes, le plus dur est fait ! Ou bien reste-t-il à venir… ? Car il faut désormais le présenter et le défendre face à des interlocuteurs exigeants, et parfois sceptiques.

Préparer ses arguments

Une présentation budgétaire solide repose sur une règle simple : ne jamais laisser une ligne sans justification claire. Votre interlocuteur ne cherche pas à entrer dans les détails techniques, mais à comprendre à quoi sert l’investissement, à quel horizon, et avec quel retour attendu.

Pour chaque poste, formulez une réponse à ces 3 questions :

  • Quel problème métier cela résout-il ?
  • Qu’est-ce que ça coûte si on ne le fait pas ?
  • Quel est le gain mesurable ou anticipé ?

💡 Il reste tout de même pertinent que la direction comprenne dans les grandes lignes les technologies que vous souhaitez mettre en œuvre. Pour cela, vous pouvez vous appuyer sur notre Dictionnaire illustré des termes techniques.

 

Répondre aux objections typiques

Même un budget bien construit fera face à des résistances naturelles. La DAF n’est pas votre ennemi, ses priorités ne sont simplement pas les mêmes que les vôtres. Il a pour fonction d’arbitrer, prioriser et garantir la soutenabilité. Anticiper les objections les plus fréquentes vous permettra d’arriver armé, sans subir la négociation. Par exemple :

  • C’est trop cher : « Cela représente X% du budget total, mais permet de traiter une problématique critique (sécurité / performance / croissance). Le coût d’inaction est bien supérieur. »
  • Je ne vois pas en quoi c’est prioritaire : « Il répond pourtant à un objectif métier majeur identifié avec [nom du département concerné]. » ou bien « C’est lié à une alerte récente (audit, faille de sécurité, incident client…). »

 

Trouver des alliés internes

Beaucoup de d’équipements IT sont transverses, et leur valeur est directement visible par d’autres départements. Faire témoigner ou soutenir les métiers impactés est un excellent moyen de légitimer une demande face à la DAF. Pour se faire :

  • Préparez votre demande en coopération avec les autres responsables.
  • Intégrez des données ou demandes qu’ils remontent et qui soulignent des irritants métiers (temps perdu, erreurs, risques, exigences clients) ou des contraintes réglementaires / juridiques.
  • Présentez vos projets comme des réponses à ces « pain points ».

💡 Retrouvez différentes manières de lier votre budget aux objectifs des autres départements dans notre livre blanc « Négocier un projet IT avec sa direction »

 

Bonnes pratiques pour une présentation impactante

Structurer son dossier comme un business case

Plutôt que de dérouler un Excel ligne à ligne, présentez votre budget comme un plan d’investissement structuré. Ce format parlera immédiatement à une DAF, et transmet les informations de façon plus efficaces et lisibles.

Exemple de structure de présentation :

  1. Introduction : objectifs métiers et enjeux à adresser
  2. Synthèse des projets clés du budget
  3. Répartition budgétaire par type de dépenses (maintenance / innovation / transformation)
  4. Lien entre besoins métier et dépenses IT
  5. Traduction financière du budget (CAPEX / OPEX)
  6. Planning prévisionnel (utilisation des ressources)
  7. Scénarios alternatifs ou ajustables et conséquences

 

Utiliser des graphiques pour illustrer son budget

Pour faire passer vos messages, rien de pire qu’un tableau illisible ou des slides surchargées. Voici quelques astuces valables pour toute présentation :

  • Aidez à la visualisation avec des graphiques
  • Synthétisez à l’aide de tableau avec couleurs de priorités
  • Utilisez des pictos et des icônes pour illustrer les grandes thématiques (Cloud, Cybersécurité, Poste de travail…)
  • Gardez certaines informations en note d’information, pour répondre aux questions sans plomber la présentation.
  • Finissez par 1 seule slide de résumé budgétaire très lisible avec une répartition par type de dépenses.

Soignez la forme autant que le fond : une présentation réussie repose aussi sur votre posture. Il ne s’agit pas simplement d’expliquer, mais de porter une vision, de montrer que vous êtes un acteur stratégique, pas juste un technicien.

 

En conclusion : le budget informatique, un outil de dialogue stratégique

Construire et défendre son budget ne se résume pas à additionner des coûts techniques. C’est un exercice d’équilibriste entre stratégie métier, maîtrise financière et communication claire avec la direction. Un budget bien présenté, c’est :

  • Une traduction des problématiques métiers en projets concrets
  • Une structure lisible, justifiée et chiffrée avec rigueur
  • Un discours orienté valeur, ROI et réduction des risques
  • Une posture proactive face à la DAF, avec des scénarios, des alliés et des compromis possibles